Maître Follas : Au niveau du style, vous vous définissez comment ? Punk ? Hooligan rock’n roll ?

Grosbert : Ouais en gros c’était le premier Damned, le premier Saints, tout ça. Un mélange entre le punk le plus violent, anglais, de 77, un petit côté franchouillard avec Asphalt Jungle et Metal Urbain, et, évidemment, le côté américain le plus crade, auquel je tiens beaucoup. C’est à dire Detroit, Suicide… Ce côté gras, crado, c’est peut être ce qui donne ce léger côté hard rock à A Bomb. Parce que c’est crade et que le punk américain a jamais été comme le punk anglais, c’est à dire quelque chose de très pub rock speedé, que j’adore d’ailleurs. Il a toujours rajouté la côté monstre et A Bomb a toujours été monstrueux.

Gaby : Faut pas oublier le côté Motorhead, Venum, tout ce qu’on écoutait.

Grosbert : Oui le premier album de Motorhead, à ne pas confondre avec le reste. C’est très important les premiers albums, en 77. La touche punk anglaise, c’est toujours les premiers albums.

Maître Follas : Et l’expression “ Heavy Hooligan Rock’ Roll Gang ”, ça vient d’où ?

Grosbert : Tout ça c’est beaucoup plus tard. C’est le mods et Loukoum qui ont trouvé ce mot, “ Hooligan ” qui voulait dire rebelle. Comme musicalement on ressemblait pas à la faune punk des années 80 qui était un peu alternative, en France, on avait plus un côté 77 pur souche. Ils ont trouvé ce terme là, qui veut dire rebelle en ruskoff. On a pris ce terme pour définir notre musique. Mais il ne faut pas oublier le “ Heavy ”, ni le “ Rock’n Roll ”. Quand on écoute l’album, il y a énormément de riffs de rockabilly de base.

Juste après, il y a eu le drame du Heysel, [signalons qu’un concert intitulé First Hooligan Night, au Calypso à Strasbourg, avec A Bomb et Captain Cavern a été annulé, les salariés ayant menacé de faire grève si A Bomb passait. Cela se passait une semaine après le drame du Heysel] avec tous les hooligans qui étaient sensés avoir massacrés de pauvres pères de familles, alors que c’était eux-mêmes qui s’étaient entre massacrés, mais ça c’est pas grave. Mais on avait jamais rien eu à faire avec le football. Fortami ! On en a rien à faire du foot. A part l’OM… On s’est retrouvé classés dans les hooligans, mais ça changeait pas, de toute façon, on n’était pas net. On avait pas besoin de ça, mais on l’acceptait quand même.

Gaby : On avait déjà une bonne réputation.

Maître Follas : D’après Musique en stock, vous avez pas mal tourné en France, mais vous avez peu joué à Strasbourg.

Gaby : Mais on a joué au CROUS dans le caveau. On a fait des concerts.

Grosbert : Non, en fait on a fait pas mal de concerts dans tous les bars à musiques possibles et imaginables du centre ville. On passait encore, mais il s’agissait pas d’y jouer 2 fois.

Gaby : Souvent c’était d’abord oui et puis après non. Au dernier moment, c’était refusé. C’est ce qui nous est arrivé, surtout à Kronenbourg. On avait foutu des affiches pendant toute une nuit et le lendemain on nous dit que c’est annulé.

Grosbert : En fait on a réussi à sortir de Strasbourg, mais toujours avec des moyens de zones, avec notre propre caisse…

Gaby : Il fallait qu’on se démerde pour trouver les tunes, pour payer les affiches, pour les coller,…

Grosbert : En fait on a jamais gagner un centime dans cette putain de galère de 10 ans, mais on s’est bien éclaté. Comment on a fait pour survivre ?... Malheureusement, on est jamais descendu en dessous du 45° parallèle, on est resté dans la moitié nord. C’est dommage. On a sillonné la moitié nord, on est passé à peu près partout avec des plans plus ou moins foireux, plus ou moins glorieux.

Gaby : En Allemagne, il y avait des trucs bien. Les squats en Allemagne, c’était fantastique.

Maître Follas : Et comment ça se passait à Strasbourg ?

Grosbert : Il y a eu plusieurs époques à Strasbourg. Il y a eu une époque où c’était rempli de bars à musique et donc on essayait de tous se les faire et manque de pot pour eux, ils ne s’étaient pas passer le mot pour nous interdire. Donc on a pu quand même s’en faire pas mal : tous les bars à musique de la Krutenau, un peu le centre ville. Ça terminait souvent en baston générale, ou avec le feu, ou avec la police. Mais c’était bien. On pouvait presque voir ça comme des happenings destroy.

Et puis il y avait Le Bandit. C’était une salle absolument grandiose, avant qu’elle soit interdite par la municipalité socialiste. Il y avait rien à casser donc on pouvait tout casser. C’était tenu par des gens plus ou moins branchés sur le musique punk. On y jouait mais on y a aussi vu des groupes extraordinaires. Le Bandit fait parti de l’histoire de la musique punk des années 80 à Strasbourg et il faut pas l’oublier. Il y avait le Bandit, A Bomb, 15 autres groupes, une centaines de musiciens qui remontaient des groupes. C’était super. Le Bandit était la pierre angulaire de tout le système Rock’n Roll de Strasbourg. Ils avaient embauché un service d’ordre de rockys pour essayer de freiner les punks trop amphétaminés et ça a pas marché du tout. C’est même devenu un endroit où on voyait des groupes de rockabilly. C’était une période de déraille contrôle totale, d’ultra violence et de bonheur.

Maître Follas : Puisque tu en parle, on va faire une parenthèse sur le rockabilly. On m’a dit que ça marchait pas mal sur Strasbourg à une époque, et qu’il y avait énormément de groupes.

Grosbert : Moi j’ai découvert l’Alsace quand j’ai débarqué en 81. J’ai découvert qu’il y avait plein de vieux « crafeuss » rockys de 40-50 balais, complètement destroy. Je me suis tout de suite fait plein de pôtes là dedans, malgré le fait que j’avais des cheveux longs.

Gaby : T’as surtout découvert le vin blanc.

Gosbert : Ouais aussi le vin blanc. Mais moi à la base, c’est Elvis. Si on doit mettre quelque chose à la base du grand Tout, c’est Elvis. J’ai rencontré le rock’n roll avec Elvis. Le punk est venu après. Strasbourg, au tout début des années 80, du point de vue du rock’n roll, c’était super. Maintenant, il n’y a plus personne : les vieux ont disparus, les jeunes nous font passer des choses un peu zarbi. Respect pour les anciens. Mais au Bandit, il y a avait quelque chose : un melting pot de service d’ordre rocky, de punks ultra amphétaminés… Cette salle du Bandit était une pure merveille. Toutes les dopes réunies, plus l’alcool, plus le speed, plus le rock’n roll, plus le punk. Si j’avais une définition à donner du punk, ce serait ce mélange du rock’n roll, de violence et de hard rock qui vient du Michigan et de pub rock qui vient plutôt du côté anglais.

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