Maître Follas : Sur le deuxième album, vous aviez 12 musiciens, dont 9 cuivres. C’est pas mal.

Pierrot : Il y a eu 9 cuivres qui ont participés, mais sur scène on était 5 ou 6 à l’époque. Sur le troisième il y aura encore plus de cuivres. On va faire un morceau complètement fanfare, avec un baryton,… Un morceau qui s’appelle Viagra, à la manière Fils de Teupuh, c’est un groupe que j’adore. C’est ma référence. Nous on est quand même un groupe de ska, avec un côté fanfare par le style franchouillard, Bourvil et beaucoup de cuivres, mais on est quand même un groupe de ska rock. Les Fils de Teupuh, c’est vraiment une fanfare montée sur scène.

Maître Follas : Quand vous êtes arrivés sur scène ce soir, avec ce look, déguisement et compagnie, il y a des gens qui vous ont comparés aux Marcels.

Pierrot : Ben on est content. Les Marcels sont plus punk que nous dans le son. J’adore parce qu’ils revendiquent leur région. J’aime bien les groupes qui revendiquent leur région. Nous on a notre côté sudiste qui fait qu’on est différent d’eux. Tant mieux, si on nous compare à eux. Sur disque j’accroche moins, mais sur scène ça tue. Ils ont du charisme. Ils ont tout un truc avec leurs morceaux, ils ont de la personnalité. Ils sont intègres. Ils ont beau être signé chez une grosse boite. Au niveau de la mentalité, c’est comme Zebda ou Noir Desir, c’est des grands groupes mais qui sont restés intègres. Ils en profitent quand même, ils touchent des tunes, mais ils sont restés les mêmes. On est quand même un peu moins festifs.

Maître Follas : Oui, vous avez quand même des références plus roots, vous faites une reprise des Skatalites,…

Pierrot : Oui ils sont plus keupons. Leurs batteur est très punk, il fait pas du reggae. Notre batteur, c’est le plus ancien du groupe avec moi, et il a une touche assez reggae. C’est génial, parce que tu rajoutes des cuivres à ça et tu peux faire les Skatalites. Quand j’ai monter le groupe, c’était Ludwigs, Madness,… Le ska je savais pas ce que c’était. On s’est intéressé et on a découvert Prince Buster, Skatalites, Bad Manners, Specials. D’ailleurs on a fait une reprise de Madness, elle sera sur le prochaine album.

Maître Follas : Et la référence à Steve Austin, ça vient d’où ?

Pierrot : Quand j’ai monté le groupe, le ska n’était pas du tout à la mode, en 94. Quand j’ai été inscrire le groupe au local de répet, on m’a dit " tu fais quoi ? Du ska ? C’est quoi ça ? C’est Madness ? " Tous les jeunes faisait du Red Hot Chili Peppers, du Hardcore,… Et moi je connaissais un groupe qui s’appelait les David Vincent, je crois qu’ils étaient de Nancy. C’était dans la mouvance alternative. J’ai adoré leur nom. Il fallait que je trouve un nom dans le genre, de héros de série télé. Et il fallait que ça sonne en " i ", parce que le " i " ça sonne joyeux. Les Hardeux, ils mettent des w, des k. Les i, c’est italien, ça sonne joyeux. Il faut ça quand tu fais du festif, donc Stevo’s Teen, c’est parfait. A l’époque, faire du ska, c’était faire du rétro et moi dans les années 80, j’étais fan de Steve Austin. C’est l’époque Madness. Mais maintenant le ska a un revival en France, mais c’est pas vraiment le même mouvement à mon avis. C’est plus la suite du mouvement alternatif, Mano Negra, Bérus, dans l’esprit. c’est pas vraiment une nouvelle vague Jamaïque, comme il y a eu en Angleterre. C’est la suite du rock indépendant français. Ils ont pris cette musique parce qu’elle est festive et qu’elle permet de faire passer des messages, elle est populaire, simple, géniale. D’ailleurs aujourd’hui il y a un peu saturation. Chez nous à Montpellier, tous les groupes qui se montent, ce n’est que du ska.

Maître Follas : Ici c’est plutôt l’inverse, il n’y a pas du tout de ska en Alsace, et pourtant il y a un public.

Pierrot : C’est ce qu’on m’a dit, qu’ici ils faisaient plutôt du metal. A Montpellier, le metal ça commence, et il y a aussi beaucoup qui font du ska punk. On a des références comme les Kargol’s. J’adore. Ils trichent pas. Ils arrivent, ils font un hardcore, un reggae, un ska,… J’adore leur esprit. Ils ont drainés pas mal de groupes derrière eux. Il y a un peu trop de groupes et les salles commencent à sélectionner. L’année 2000, c’était plutôt reggae en France, mais 2001 c’était l’année du ska, pour moi. Après je sais pas. Mais nous on était là avant, on sera toujours là après.

Maître Follas : Et dans une ville où il y a une scène aussi riche, est ce qu’il n’y a pas de concurrence entre les groupes ?

Pierrot : Non. Enfin c’est pas comme les punks qui sont vachement solidaires entre eux. Chez nous on a un collectif qui s’appelle la TAF, c’est là qu’on répète. On voit que les groupes de keupons s’entraident vachement entre eux. Les reggaeman ils s’aiment pas du tout. Ils font un groupe en disant " je vais éclater tous les autres, je suis meilleur qu’eux ". Les mecs qui font du ska, ils sont un peu entre les deux. On côtoie pas mal de groupes. Il y en a qui sont vraiment bien : les Caméléons, les Kargol’s. Mais delà à ce qu’on s’entraide… Et puis maintenant ils y a des tourneurs. C’est plutôt eux qui sont en concurrence, pas les groupes.

Rom W : Est ce qu’au delà du côté festif, vous essayer de faire passer un message ?

Pierrot : Il y a pas mal de morceaux engagés, mais de manière ironique. On met quelques gifles. Moi j’écris des textes que sur ce que je connais. Je vais pas parler des banlieues, moi j’habite à la campagne. J’ai fait " Hooligans " parce qu’il y a eu un match Montpellier Manchester, il y a 6 ans. C’est l’horreur. Ils sont arrivés une semaine avant, tous les skinheads, c’était l’émeute en ville, c’était horrible [et alors, on a le droit de s’amuser...]. Je l’ai vu, donc j’ai écris une chanson. On chante sur ce qu’on connaît : les plages, le muscat. On a fait une chanson qui s’appelle " viagra ". Ça on connaît pas. Ma référence pour les textes c’est Zebda. Ils sont engagés, mais ils sont pas lourds. C’est facile de dire " A mort le FN, légaliser la jaja ". Zebda, leurs textes sont ultra-puissants, mieux que le premier degré de certains groupes. Nous on est pas bien placé pour faire un groupe engagé, mais on arrive à placer quelques messages.

Maître Follas : Vous étiez à Millau pour le procès de la Confédération paysanne.

Pierrot : On se sent assez proche, à Montpellier, de Bové, l’anti-mondialisation, l’écologie, tout ça. On a joué à Millau parce que l’Aveyron c’est des voisins. On a beaucoup joué la bas dans un bar et les gens nous adorait. C’est le patron de ce bar qui a fait venir Zebda, qui venait tout le temps là bas quand ils étaient pas connus. Zebda sont copains avec Noir Désir donc ils les ont contactés. Et Cabrel avait eu l’idée du concert. Rude Boy Sytem était aussi connu là bas.

Maître Follas : Vous aviez des milliers de personnes…

Pierrot : 40 000. On a joué les premiers. Les autres ont eu plus.[jusqu’à 100 000, si ma mémoire est bonne]. On a cartonné.

Maître Follas : Et ce soir, une grosse cinquantaine de personnes. Qu’est ce que ça vous fait ?

Pierrot : On a pas pris le melon. C’était un concert exceptionnel. Le souvenir qu’on garde, c’est pas le concert, qui a duré que 45 minutes. C’est les backstage : " Salut Bové, salut l’entarteur ". Il y avait tout le monde au même niveau, Michael Kael, de Canal Plus, Cabu. On était à 2 m de Noir Désir quand ils jouaient alors que tout le monde se faisait écraser au premier rang. On était à l’hôtel avec eux. Tout le monde au même niveau. Avec la balance la veille, on a passer 3 jours sur le site. Le concert, c’était l’ultra bonus. L’ambition du groupe c’était jouer dans des bistrots.

Maître Follas : D’où vous vient cette envie de faire du ska ?

Pierrot : Pour moi c’est Ludwig. J’ai acheté ma première guitare un lendemain de concert de Ludwig, en me disant " Ces mecs là, ils savent pas jouer, ils mettent le feu ". Après tu t’intéresse au reste : Madness, Special,… Et j’étais à fond OTH, Sheriff, groupes alternatifs de l’époque. On fait toujours une reprise d’OTH. On faisait un peu du ska punk. Et un jour j’ai entendu Massilia Sound System. C’était génial. D’ailleurs on a fait " Mais qu’elle est bleu " ce soir. J’ai dis à mon groupe " si on faisait du ragga ". Ils étaient pas du tout d’accord. Et puis j’ai découvert Zebda, premier album. Il y a un morceaux, " Arabadub ", qui est génial. Avec Ludwig, Massilia, Zebda, c’était la première fois qu’il y avait des groupes du sud qui perçaient, qui représentaient le sud. Raspigaous, c’est Marseille, Zebda, c’est Toulouse. Alors on a dit, on monte un groupe. Tu fais des reprises et après tu t’intéresses à la musique. Ça vient d’où le ska ? A Montpellier il y a un groupe, les Kidnappers, dont le batteur a 60 ans. Il était DJ dans les années 60. Il m’a expliqué comment était venu le ska. Il m’expliquait que les jamaïcains ils jouaient du calypso et ils écoutaient ce qui passait à la radio, le jazz New Orleans. Ils avaient pas les disques donc ils pompaient à la radio. Ils retenaient la mélodie et l’aspect contre temps et en essayant de reproduire, ce qui passait à la radio, ils ont inventer le ska. C’est pour ça qu’à la base c’est très jazz : thème-solo-solo-thème. Ils ont rajouté du chant, ça a donné le rocksteady, puis ils ont ralenti le tempo et ça a donné du reggae.

Maître Follas : Aujourd’hui quel est votre objectif avec les Stevo’s Teen ?

Pierrot : L’année dernière le but c’était, au niveau matériel, de devenir intermittents et de pouvoir jouer dans toute la France. En un an on a fait 55 concerts, un peu partout, pas forcément dans des grandes salles. On a joué dans un petit bar à Bordeaux et y avait un mec qui était là qui nous a fait joué dans un gros festival 3 mois après, avec 1500 personnes. Le but c’était de se faire connaître. Mais on voit les buts par cran. Le prochain c’est le troisième album, qui sera diffusé nationalement. S’il est bon, on en vend un peu et donc on joue plus. Mais déjà si ça s’arrête aujourd’hui, moi je me dis que c’est génial. Peut être qu’à la rentrée on va faire la première partie de Zebda au Zénith de Montpellier. Ce serait royal.

Rom W : Et les festivals d’été ?

Pierrot : Là il faut montrer patte blanche. On a pas l’envergure. Les mecs des Eurock’, par exemple, ils veulent des trucs plus connus. Il faut voir après le 3° album. Comme l’ont fait les Caméléons. Ils ont un peu le même profil que nous, mais un peu plus punk au départ. Leur quatrième album est bon, on commence à parler d’eux dans les journaux et ils commencent à avoir le profil pour ces gros festivals [cf. leur présence aux Artefacs à Strasbourg avec les Skatalites et Laurel Aitken]. 100 gr. De têtes, les Kargol’s aussi commencent à cartonner. Nous on espère arriver à leur niveau de notoriété dans 1 an. Les 100 gr ont aussi un gros niveau musical.

Maître Follas : Ils accompagnent Laurel Aitken en ce moment.

Pierrot : Oui, c’est génial pour eux, ils tournent dans toute l’Europe, ils se font connaître dans des endroits où ils auraient jamais mis les pieds sans Laurel Aitken. C’est comme si nous on faisait la première partie de la Ruda, on jouerait devant leur public. Les gens nous découvriraient comme ça. Maintenant on en cherche des premières parties comme ça, avant on s’en foutait.

Là dessus, on laisse Pierrot se retirer vu qu’il est exténué et qu’il risque de tomber d’inanition. On vous conseille leur site internet qu’est vachement bien foutu: http://stevos.teen.free.fr

Quelques semaines après cette interview, nous avons malheureusement manqué (pour cause de turbin…) leur passage à Colmar avec le New York Ska Jazz Ensemble et à Mulhouse avec Jim Murple Memorial, deux groupes que j’adore vraiment. Moralité: le travail est l’ennemi de la musique…

 

Dernière minute: Les Stevo's Teen viennent de sortir leur 3ème album en mars 2003, intitulé Stevo's Teen Airlines (voir la kronik dans le Rock'n'Roots n°2, sur ce site).

 

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