Les Amis d'ta femme
Voilà donc un groupe excellent qui est digne, selon moi, des meilleurs disques de Renaud ou Bobby Lapointe, mais qui a quand même sa personnalité. Ceux qui ne connaissent pas on vraiment beaucoup à découvrir. Sautez dessus ! Pour répondre à mes questions, David Vincent, chanteur.
Maître Follas : Petit historique des Amis d’ta femme (création, composition du groupe, discographie) ?
Le Dav : Petit alors !… On est trois avec Vatlavé Kraspek à la contrebassine (je l’cite en preums passque c’est l’plus bruyant !), Frankoua Frankoué à la gratte (j’le cite en deuze passque c’est l’plus doué !) et pis moi, David Vincent au chant et à la gratte (j’me cite en dernier passque chuis l’plus poli !). Cela dit, on chante tous et il arrive à Kraspek de prendre la guitare et à mézigue de prendre la bassine. Les Amis d’ta Femme se sont formés en juin 96, Kraspek nous ayant rejoint en avril 98 (plus ou moins après le mouvement d’chômeurs). On tourne sévèrement depuis c’moment-là avec 350 concerts et deux albômes à notre actif : " Faut qu’ça lime ! " paru en mars 99 puis réédité en janvier 01 et " Lave-toi la bouche ! " en mai 00. Le troisième sortira courant octobre 02 : " … Font la différence ! " en live, le quatrième étant prévu pour le 1er mai 03 mais on en jactera sûrement un peu plus tard…
Maître Follas : Pourquoi ce nom ?
Le Dav : Ah ah ! Grande question ! Y’a deux écoles, disons. D’abord pour frimer devant les gonzesses ou pour briller dans les soirées mondaines : dans une chanson de Boris Vian, il chante : " je bois pour oublier les amis de ma femme ". ça fait référence culturelle, quoi ! Mais en fait, c’est surtoutqu’un jour, charchant un nom d’groupe dans la première source qui pouvait m’tomber sous la pogne, j’ai ouvert Télé-Star pour y trouver cette semaine-là une pièce de théatre avec Michel Leeb qui s’appelait justement " Les amis de ma femme ". C’est vrai qu’d’un coup, la référence cuculturelle en prend un coup dans les chicots ! !
Maître Follas : Vous avez un style de chanson très original à l’heure actuelle (entre Renaud des années 80 et Fréhel, mais quand même différent…). Pourquoi choisir ce style ?
Le Dav : Ben justement… On trouve pas qu’on ait un style très original. Y’a rien d’moderne dans nos influences. Ça vient aussi bien du rock’n roll pur et dur, simple et efficace (de Brian Setzer à AC/DC) et bien évidemment du rock alterno des années 80/90 (surtout les VRP, Ludwig von 88, les Wampas, Parabellum, Les Rats, les Casse-Pieds et pis les Bérus un peu itou), que des vieux de la chanson comme Gotainer, Lapointe, Vian, Salvador, Brassens ou encore Bourvil, et même encore plus vieux d’la vieille que ça (Fréhel, Royer, Bruant). Musicalement, on a tout ça en commun, des trucs qu’on écoute dans l’camion, quoi ! Concernant les paroles, on y trouve surtout Brassens, Renaud, Coluche, Toulis (des Escrocs) et Géant Vert (des Para). Alors tout ça, mis bout à bout, ça donne les Amis d’ta femme. C’est pas un style qu’on a choisi, c’est l’partage de nos influences respectives qui, spontanément, aboutit à c’résultat-là, comm’ça doit être le cas pour la plupart des groupes, non ?
Maître Follas : Pourquoi êtes vous souvent classés dans le style Rock musette ou punk festif,… alors que ça ne correspond pas à ce que vous faites ? Pourquoi pas une simple référence à la chanson française ? Est-ce trop ringard ?
Le Dav : La ringardise, c’est pas les ancêtres qui la représentent le mieux mais plutôt Johny qui chante " Allez les bleus ! " ou tous les blaireaux d’la Star Academy et de Cindy 2000 réunis ! ! ! C’est des exemples parmi d’autres. La conjoncture étant c’qu’elle est, tous les groupes sont condamnés au genre, au classement, au formatage. Rock musette, rock festif, punk musette, punk rock musette festif et mes couilles sur ton front ! Fait chier… On a retourné ça dans tous les sens, pour trouver une putain d’étiquette choisie plutôt qu’imposée. Alors on a trouvé " variété alternative ". Passque, musicalement parlant, c’est varié c’qu’on fait (en vrac java, blues, jazz, rock, punk, trad, valse, folk, tango, ska, reggae, etc.), mais que dans l’esprit, c’est l’alternatif qui l’emporte. " Variété alternative ", ça vaut c’que ça vaut, mais bon… Plutôt ça qu’autre chose !
Maître Follas : Influences musicales très diverses (du jazz manouche au tango, en passant par la musette ou le blues), c’est extrêmement rare pour des groupes actuelles. Comment en êtes vous arrivé là ?
Le Dav : J’ai déjà plus ou moins répondu à cteu question mais pour compléter, disons que la multiplicité d’nos influences et la diversité d’nos écoutes font que ça paraît riche mais surtout pas neuf, nouveau et encore moins novateur ! On y apporte juste de la fraîcheur. Remettre au goût du jour des vieux trucs pas tant oubliés qu’ça en faisant marrer les gens. Je l’répète : tout ça est très spontané.
Maître Follas : Toujours dans l’originalité : vos textes " engagés ", politiquement critiques… mais ce n’est pas les mêmes phrases-slogans habituelles contre Babylone ou le fascisme. C’est plus réfléchis et ironiques, dans le genre Brassens… Pourquoi ?
Le Dav : Pourquoi ? ! On va s’faire des ennemis, youpi ! ! On s’engage pas au premier degré dans nos chansons. C’est une question d’respect. Tous les gens qui viennent aux concerts ou qui écoutent les disques sont surtout pas obligés de penser c’qu’on pense ! Le but principal est de faire rigoler. C’est la grande leçon du père Colucci : " Fais-les d’abord bin s’marrer, ensuite seul’ment tu pourras ptêt’ prétendre à les faire réfléchir ". on est pas là pour faire la morale aux gens, leur dire c’qu’ils ont à faire ou pas, leur imposer des idées ou idéaux éculés, simplistes et pré-mâchés. Ni moralisme, ni prosélytisme, ni dogmatisme, ni sectarisme ! [ni, ni d’accord, mais pour ?…] ça, c’est prendre les gens pour des cons et c’est exactement c’que font la plupart des groupes de reggae, ska ou hardcore français, les anti-babyloniens et autres anti-fascistes. C’est irréfléchi, puéril et dangereux. On le sait qu’le gros Pen est " méchant " (sic) mais où ça mène de l’balancer dans toutes les chansons que t’écris ? Surtout si tu l’fais toujours de la même façon ! C’est bassement populiste et carrément démago et ça, ça nous fait gerber. Les gens sont là pour ressentir ta chanson, pas pour la consommer. Bref, ta chanson, c’est un espace de liberté, pas un outil de propagande. C’est l’ironie et la provocation qui interpellent les gens. Après, les gens, y s’démerdent et y z’en font c’qu’y veulent. La musique n’appartient pas à celui qui la fait, mais à celui qui l’écoute… et c’est marre !
Maître Follas : Qui écrit les chansons ? Quelles sont vos inspirations (à part les bistrots), quelles sont vos motivations ? Il y a t il dans vos textes l’impératif de faire réfléchir ?
Le Dav : C’est moi qui écris les textes, ou du moins la majorité. Mes inspirations ? Je sais pô… Mes motivations ? Aucune idée… Par contre, c’que je peux t’affrimer, c’est qu’il n’y a surtout pas d’impératif à faire réfléchir. Faire réfléchir oui ! Impératif non ! ! ! On a un tas d(trucs à dire mais on oblige personne à être d’accord avec nous. Quand y’a quikchose qui m’énerve à mort, suffisamment pour que ça donne l’envie d’en écrire une chansonnette, Chirac par exemple, je vais pas directement dégueuler sur le sujet en question. A quoi ça va servir de dire que Chirac est malhonnête, voleur et électoraliste, qu’il est le niveau 0 d’la démocratie représentative ? ! Si j’veux provoquer, j’vais dire que même Le Pen est plus crédible que lui. Si j’veux ironiser, j’vais plutôt balancer que le roi des cons a enfin trouvé son trône ! En fait ce qui est intéressant, c’est de trouver LE décalage nécessaire qui peut faire réfléchir la personne à qui tu t’adresses. Si tu lui imposes ton impératif à faire réfléchir, tu ne l’aides pas à s’émanciper, à penser. Tu l’convaincs, c’est naze ! Par contre, si tu li proposes ton désir de partager une réflexion sérieuse d’une façon ludique et égalitaire, là, tu touches du doigt le respect d’autrui dans la liberté d’chacun. c’est beau ! ! Après réflexion, les voilà peut-être, mes motivations… Apporter ma petite pierre à l’édifice de la lutte éternelle contre la connerie universelle ! Allelouiah ! ! !
Maître Follas : Vous avez repris " Mort aux vaches ", dont les paroles sont quand même très violentes par rapport aux flics (y’en a qui ont été condamnés pour moins que ça). Vous n’avez pas eu de problèmes avec cette chansons (vis à vis des institutions ou d’un public) ?
Le Dav :Moins d’problèmes qu’on aurait pu s’y attendre au départ. Je sais pas si je suis très objectif mais j’prendrai un exemple qui résume bien c’que j’en ressens. On a joué plusieurs fois dans un rade où le cuistot est un ancien pandore, un ex-gendarme. Après le concert, chuis allé lui demander ce qu’il avait pensé de " Cayenne ". Il m’a répondu que c’était une très vieille chanson à intérêt historique et que c’était vachement important de continuer à la chanter, pour pas qu’on l’oublie. Il est brassensophile, normal ! Mais n’empêche, ça m’a troué l’cul ! ! ! C’est vrai qu’c’est une chanson de la première moitié du XIX° siècle qui raconte l’histoire d’un flic véreux qui agresse méchamment une pute dont le mec décide de se venger, bute le schtroumpf et se retrouve au bagne à Cayenne pour un paquet d’années. Même si le refrain est terroriste (au sens premier du terme), la plupart des gens ne sont pas dupes, et je trouve ça surprenant, voire rassurant ! Cela dit, avec la grande vague bleue des législatives, " Cayenne " a un putain de goût sarkozien. Ce ptit merdeux n’a absolument rien inventé en déclenchant la chasse ouverte aux tapins. Maint’nant que les cons sont lâchés, on va voir les velléités réactionnaires nous pourrir à nouveau la vie… Très probablement.