Indika vs Nyaman ...
Dans la belle petite ville de Strasbourg, livrée aux hordes de black metalleux, et autres gothics, subsiste un petit noyau de résistance. Ils sont quelques dizaines à pratiquer une musique étrange, mais néanmoins connue, grâce à une potion magique dont le secret est à chercher dans les caraïbes. Je veux bien sûr parler du reggae roots, et de ses étranges musiciens. J’ai donc voulu confronter deux groupes, dans le secret espoir de pouvoir vous offrir un affrontement sanglant, du lyric hardcore… Et bien non, ces gens-là font du reggae, du pur reggae roots, sans pour autant se prendre pour les gardiens sectaires d’un îlot rastafarien qui se serait étrangement transporté dans nos contrées grises et pluvieuses. Nyaman est une formation qui a déjà une certaine expérience, regroupée autour d’un chanteur charismatique, Tony. Un album, Etre Humain, vient de sortir. Indika est plutôt une bande de jeunes qui n’en veut, lancé dans le reggae assez récemment. Je reçois David, chanteur, et Mariette, clavier + chœurs…
Maître Follas : Présentation habituelle des deux groupes…
David : Indika s’est créé en septembre 2000, mais ça fait 1 an et demi qu’on est dans la formation actuelle. On est 9, basse, batterie, clavier, 2 guitares, chœurs, percus, chant et Nico au son. Sinon, des concerts on en a fait peu, 6/7, Molodoï, l’ARES, des petits trucs. Niveau discographie on a rien fait. On essaye de bosser, on prend les opportunités qui se présentent, mais 1 an et demi, c’est encore court comme durée de vie.
Tony : Nous on est 3 en fait, vu que les musiciens changent constamment.
Mariette : c’est toi et les choristes ?
Tony : Ouais. On change constamment les musiciens. On a fait des CDs sans intérêt. [rires] Y’a que le 4 titres et celui-là qui sont correctes. On a commencé en 99. On a pris des vieux comme nous et puis voilà.
Maître Follas : Avant ces groupes, vous aviez un passé musical ?
Mariette : moi j’ai fait du piano classique 10 ans. 3, 4 ans après, j’ai rencontré David, Michel et Gilles et on a décidé de faire un petit groupe, ça m’a permis de rejouer.
Tony : je fais de la musique depuis que je suis petit. Ma famille faisait déjà de la musique, je suis né là dedans. J’ai fait guitare rythmique chez Indika [rires], 1 jour.
David : Et un petit peu de batterie aussi…
Maître Follas : Vous songez à remplacer Michel (le batteur jamaïco-norvégien d’Indika) ?
David : Michel il était encore débutant à l’époque… Moi j’ai rien fait de spécial. Enfin j’ai fait plusieurs groupes depuis le lycée. Avant j’ai fais un petit peu de piano, 3 ou 4 ans. J’ai toujours joué avec Gilles et Michel.
Maître Follas : Qu’est ce qui vous a amené au reggae ?
Mariette : C’est venu naturellement. Moi personnellement, c’est le seul type de musique que j’avais envie de faire au départ.
David : Moi j’écoutai pas de reggae quand j’ai commencé à écouter de la musique. J’ai des amis qui m’ont fait écouter des trucs et j’ai commencé à acheter des CD. Et depuis, j’écoute que ça. Et puis tu fais un groupe pour jouer ce que tu aimes comme musique. Nous on aime ça. J’ai toujours fait un groupe, et tu joue ce que t’écoute, ce que t’aime. Là ça a l’air d’être un amour sur le long terme.
Tony : Moi c’est cette musique là qui me fait plaisir. Mais j’ai fait d’autres musiques avant. Du rock et des choses comme ça.
Maître Follas : Vous n’êtes pas issus du même milieu, de la même époque…
Tony : On a 10 ans d’écart. J’ai commencé quand ils étaient trop petit pour jouer. Mais le style d’Indika se rapproche de ce qu’on fait. C’est les mêmes inspirations, avec 10 ans de différences. C’est ça qui est cool. Vos inspirations, j’ai lu dans l’interview que vous aviez fait, sont Marley et les Wailers Pourquoi chercher une autre référence puisque c’est la référence commune ? Si tu veux jouer du rock, comme référence, il faut prendre Elvis. Tu va pas chercher plus loin. C’est pour ça qu’on se rapproche musicalement.
Mariette : T’as commencé où ?
Tony : A Paris.
Maître Follas : Tu disais qu’au début, tu trouvais que des musiciens qui faisaient du reggae, du funk… A Strasbourg c’est plutôt rare.
David : C’est vrai que nous on a écumé pas mal de salles de répèt et ce genre de trucs et tu croise que des mecs qui font du metal. C’est un peu chiant au bout d’un moment. Tu vois l’effet de mode du reggae, il était déjà présent dans les années 80. C’était vraiment populaire comme musique. Je sais pas si c’est un effet de mode.
Tony : Ce qu’il veut dire c’est qu’il s’en fout de la mode et qu’il fait du reggae parce que ça lui fait plaisir [merci pour la traduction].
David : Oui, voilà.
Maître Follas : Les paroles c’est toi qui les écrit ?
David : Ouais, mais en partie aussi Mariette et Michel. Mais c’est essentiellement moi.
Tony : je fais les paroles, la musique, …
Maître Follas : On retrouve les mêmes thématiques, très " spirituelles ", très cool, contre la vie moderne, le stress, la ville, etc. Le genre de trucs très courants…
David : L’originalité on s’en fout. On le vit.
Tony : On le vit, donc on l’écrit.
David : Tu dis ce que t’as à dire. Ça fait longtemps que c’est vrai… c’est triste. C’est pas question d’être réac.. Tu crois qu’on veut retourner à la campagne et tout ?
Tony : Moi j’y habite à la campagne.
David : Je trouve ça cool aussi. On peut se séparer de nos mauvaises habitudes.
Maître Follas : La rébellion dans les paroles est très détachée, spirituelle, pas très virulente.
Tony : Pour prôner d’être heureux… Tu vis ce que t’as envie de vivre et pas comme on a décidé que tu allais vivre. Faire de la musique c’est déjà choisir une voie différente.
David : C’est aussi politique dans un certain sens. C’est une question de liberté individuelle.
Tony : Les gens qui font de la musique veulent être libre, c’est ça la différence, la vrai rébellion, la rébellion intelligente. Le système on vit dedans. On naît avec un numéro de sécurité sociale, on peut pas dire qu’on est pour le système. Mais on peut s’adapter.
Maître Follas : C’est pour ça que t’as monté ta boite de prod… ?
Tony : Ouais c’est justement pour être libre. Je préfère monter mon truc plutôt que de passer encore 10 ans à aller chercher des labels.
Maître Follas : Tu peux pas faire ce que tu veux dans une maison de disque ?
Tony : ça revient au même que d’aller bosser pour un patron. Je fais des concerts si j’ai envie, je fais des disques si j’ai envie.
Maître Follas : Et Indika, si Universal vous propose un disque… ? [rires]
Tony : C’est une opportunité. Bien sûr. Si t’as rien à perdre, si t’as rien d’autre sur le marché… Mais ça veut pas dire qu’il faut attendre qu’Universal vienne te chercher.
David : De toute façon, on en est pas au point qu’Universal nous propose un contrat… De toute façon l’autoprod c’est l’idéal quelque part. Tu peux faire ce que tu veux faire. Même au niveau musical, tu peux faire ce que tu veux. Les maisons de prod t’envoie des directeurs artistiques, des gars qui vont te dire ce qui est bien…
Tony : " c’est trop roots ! ". on me l’a déjà fait celle-là.
David : Nous on est beaucoup, on fait tout ensemble donc on arrive pas à consacrer assez de temps pour être vraiment efficace. On fait avec les moyens du bord.