Grosbert : Il y avait une sacré faune. A l’époque le centre ville de Strasbourg c’était pas les bourgeois. C’était la zone et des prolos. Il y avait de tout : plein de gitans, de manouches, des vanniers, des tchèques, des espagnols, des arabes…
Gaby : … des italiens.
Grosbert : Tu débarquait la dedans, ça sentait un peu fort, tout le monde était allumé, mais on était chez nous, vraiment chez nous ! C’était il y a 20 ans ça. Maintenant c’est clean, propre, bourgeois,… A l’époque, le plus important c’était les gitans, qui avaient ce côté rebelle à la base, sans être punk. T’étais punk, tu rentrais dans n’importe quel rade de la Krutenau, tu tombais sur des plus punks que toi, mais qui ne savaient même pas que le punk existait, c’était les gitans. C’est comme ça qu’on est tombé sur le meilleur batteur de l’histoire. Lucien jouait avec des baguettes en fer, il faisait tout. A Bomb a été bon quand Lucien est rentré et a été mauvais quand Lucien est parti.
Gaby : Lucien, à la batterie, rattrapait souvent les conneries des autres, quand ils étaient tellement nazes… Moi un jour j’étais à la sono, Grosbert commence un morceau, le bassiste un autre, la chanteuse un autre et d’un coup il s’arrêtent tous. Sil y avait pas le batteur pour rattraper, ça aurait été un fiasco total. C’était un très bon batteur.
Maître Follas : Qu’est ce que vous pensez du mythe qui reste d’A Bomb ?
Grosbert : Le mythe tu le connais peut être, mais pas nous. Musique en stock a peut être ressuscité des mythes qui n’existaient pas.
Maître Follas : En fait j’ai parlé d’A Bomb avec des gens qui étaient déjà à Strasbourg à la fin des années 80, et ils se rappellent du nom, des graffitis, et parfois de la réputation de violence.
Grosbert : C’est vrai qu’avec A Bomb on avait la folie. Sur scène et dans la salle aussi. Mais pas toujours dans la salle [Grosbert finit son 6° Pastis]. Il y a des moments où, dans la salle, on tombait mal. Mais on avait un Service d’Ordre qui faisait régner la folie dans la salle. C’était un peu spécial. Si ça se passait mal, le public reculait à 100m. Le SO leur faisait peur, mais c’était quand il y avait pas de rockers dans la salle. Je me rappelle toujours un concert dans le sud de la banlieue parisienne, pour un Lions club de merde. Il y avait que des vieilles de 70 balais, les mémés en train de tricoter et là le SO arrive… « Jesus Got »… Là il y en a un du SO qui perd un clou. A l’époque les punks, ils avaient des clous de 10 cm qui sortaient du cuir. Ils étaient comme des porcs-épics. Le mec perd son clou, et là, t’as 70 vieilles à genou dans la salle qui cherchent le clou, pendant tout le concert, pendant qu’on jouait. Toi t’es sur scène, tu crèves de rire.
Maître Follas : Et après cette période qu’est devenu A Bomb ?
Grosbert : La fin de A Bomb c’est 88. La fin de A Bomb efficace, c’est 86, la sortie de l’album. A ce moment, Lucien a dit qu’il quittait A Bomb. Toutes les formations post-86, c’était des erreurs, des catastrophes, concerts de merde. Moi ça me tue. Si ça avait tenu qu’à moi, il n’y aurait plus eu un concert après Lucien.
Sinon, après, je vais parler que de moi, on va laisser l’intégrité aux autres. Moi j’ai continué à faire des groupes : un groupe de rockabilly, Vendanges Tardives, un groupe de pub rock, extraordinaire, les Shortings Breads, après les Ladazz, avec 3 chanteuses extraordinaires, mélange pub rock et punk. C’était peut être le groupe le plus top que j’ai fait. Manque de pot, on a jamais enregistré un disque. Mais le rock’n roll s’est arrêté là. J’avais 32 ans. J’en ai 38, mais quand tu bosses sur les chantiers, tu peux plus faire du rock’n roll. Tu prend de l’âge et ton rock commence à ressembler à du « Oum pa-pa ». Faut arrêter. Mais j’ai fait plein de groupes avant et après A Bomb et je les ai tous aimés. Mais ce soir c’était A Bomb et cet album excellent. [Le disque passe en fond sonore]
Gaby : Faut pas oublier que l’album, comme on l’a mixé, ça donne un son plus clean que ce qu’on avait sur scène. Ce son, avec la voix de la chanteuse, ça reste clean, t’arrive à comprendre ce que Loukoum te racontes. Mais sur scène ou en répet, c’était impossible. Tout était saturé à mort. Tout était à fond.
Grosbert : L’album est commercialisable. Du côté américain, il y a eu des trucs aussi destroy, mais en France je crois pas.
Là dessus, nous continuons la discussion, en écoutant l’album. Une bonne soirée qui débouche pour moi sur cette découverte musicale et j’espère pour vous, sur l’envie d’en savoir plus, et surtout d’en écouter plus.
Il m’a paru intéressant de revenir sur ce que fut la scène punk rock des origines. Je pense que cela sera très utiles aux jeunes qui s’interrogent aujourd’hui sur cette musique et sur tout l’esprit qui va avec. Pour cette scène vive, il ne faut pas oublier comment elle est née. Je trouve ça important, même si je ne suis pas moi-même un punk rocker.
Ceux qui veulent découvrir la musique d’A Bomb peuvent m’envoyer un petit courrier et un peu d’argent, pour les frais, ou quelque chose en échange (zine, skeud) et je leur enverrai une copie K7 de l’album.
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A’ BOMB « FROM MEMPHIS TO DETROIT »MAD2022/ DEVIL’S RECORD, 1986.
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