Rom W : Vous chantez en anglais, en français, même en espagnol sur le dernier album Est ce que vous pensez pas qu’il y a une langue plus appropriée pour cette musique ?

Bob : Non. Nous on joue avec Laurel Aitken. Sa langue natale c’est l’espagnol, donc il préfère parler espagnol, alors qu’il vit à Londres.

David : Mais pour nous le ska c’est universel. Ça vient de la fusion. Ça donne le rocksteady, le reggae. C’est une base universelle. Les grands journalistes disent " Le blues a eu 2 enfants, le rock et le reggae ". Moi je dit le rock et le ska. [s’en suit un brouhaha de 30 secondes ou tout le monde parle en même temps pour dire des choses sûrement intéressantes…].

Hugy : c’est une musique qui ne mourra jamais, qui restera toujours alternative. Il y a eu les Skatalites, le revival, en France, il y a des tonnes de groupes de ska. Mais ça reste alternatif.

David : c’est fait par des gens qui ont des valeurs.

Hugy : Tu le vois dans des labels comme Epitaph, avec des groupes punk qui jouent de la musique ska. Il y a une famille rock en général qui est très large, avec du ska, du punk rock, du reggae, plein de trucs différents, le metal, et le message est là. Ça nous dérange pas de jouer avec des groupes de garage punk…

David : …metal. Chacun a des préférences dans la musique. Nous on a des amis qui font du … euh metal. On les voit en concert, on…se bouche les oreilles… mais bon c’est des musiciens, on a tous les mêmes idées, les mêmes objectifs. On veut pas être catalogué comme un groupe ska-ska.

Maître Follas : Votre nom, les 100 grammes de têtes, est-ce que ce n’est pas un moyen de se raccrocher à ce qu’il y a de plus commercial dans le reggae français, c’est à dire le chichon ?

David : Grande question.

Hugy : Au départ, c’était Mister Weed et les 100 grammes de têtes. Dès le départ, c’est par rapport à la beuh. Après, c’est vrai que y a les 100 grammes de têtes, Sinsemilia, machin, etc.

David : Tout à l’heure on a parlé de début du groupe, mais, les 100 gr de têtes à Perpignan, ça a une grande histoire. 9 ans. C’est pas l’histoire d’un groupe. Derrière, il y a plein de gens qui se sont bougés, des squats, des organisations de concert, mais toujours dans le milieu alternatif. Pendant 4 ans, les 100 gr ils ont joués dans la montagne, que des petites salles. Le chanteur voulait pas enregistrer. Les 100 gr c’est une grande histoire de famille, de gens qui se sont rencontrés dans le Languedoc Roussillon, dans les Pyrénées Orientales. Il y a toujours de gens qu’arrivent, qui partent, qui reviennent.

Maître Follas : Vous avez sortis vos 2 albums chez CRASH Disques. Pourquoi ce choix ?C’est une question d’éthique ?

David : On a eu d’autres propositions avant. Ça c’est cassé la gueule on est arrivé à CRASH Disques.

Hugy : CRASH Disques c’est un label qui a pas trop de moyens et qui est lent, mais qui a une éthique et qui a une honnêteté. Avec tous les requins qu’il y a dans ce milieu, on est bien là bas. On râle un peu, comme tous les groupes dans n’importe quel label. Mais être sur un label qui a une consonance antiraciste beaucoup plus appuyée que d’autres, c’est important aussi.

Rom W : Comment pensez-vous que votre public reçoit votre musique ?

Alain : C’est à toi de le dire, tu as vu le concert.

Rom W : Mais vous voyez aussi au fur et à mesure des tournées…

Bob : Je vois que depuis le début, quand on jouait dans la rue, il y a des gens qui dansent. Le top. Ça nous a donné envie de continuer. Plus il y a de gens qui adhèrent, plus on continue. C’est le public qui te portes dans ce que tu fais. Si tu arrives et que les gens viennent pas te voir, tu peux pas continuer ça, faut faire autre chose. Je pense que le public nous reçoit bien.

Rom W : Et vos paroles, qui les écrit ?

Hugy : Un peu tout le monde.

Rom W :Il y a des choses assez engagées, mais aussi parfois stéréotypées, vous parler de " Babylon "…

Bob : Oui, mais tous les groupes de reggae digne de ce nom, ils ont un " Babylon " quelque part.

David : I wanna be c’est une chanson sur la tolérance homosexuelle.

Bob : N’importe quoi toi ! Tu rigoles ? ça l’est devenue, mais à la base c’est pas ça.

Hugy : Les paroles sont vachement imagées, c’est pas un message direct.

David : C’est une chanson qui parle de lesbiennes. Il n’y pas beaucoup de chanteurs ou de compositeurs, surtout en reggae, qui parlent de lesbiennes dans leurs morceaux. Trouve moi s’en un en France et peut être même dans le monde. Il y en a plein de gens qui se disent antifascistes, mais savent-ils ce que ça veut dire ? OK, fraternité avec les noirs, les arabes, etc. Mais aussi avec les gros, les maigres, les homos,… Derrière, il y a la tolérance.

Bob : L’histoire de ce morceau, je peux vous la dire. C’est le premier chanteur qui était amoureux d’une gonzess et cette nana il pouvait pas l’avoir parce qu’elle était lesbienne. Il a dit : " je voudrais être une lesbienne ". Alors à chaque fois, avant de la jouer, cette chanson, il disait : " Voilà, on va vous chanter notre chanson d’amour ".

Rom W : C’est d’ailleurs le titre que vous avez mis sur la compile Frenchy Reggae Party 3. Comment ça c’est passé cette compile ?

Hugy : Les mecs voulaient faire un panorama de la musique jamaïcaine de France. Ils nous ont contacté alors pour nous c’est un bon plan, on va pas cracher dessus. Mais ils y a des compiles comme " Résistance ", l’argent va à la lutte antifasciste, où on touche pas un radis, mais on sait pourquoi on le fait. C’est pour ça qu’on a mis No Master dessus. Ni Dieu ni maître.

David : En fait, l’esprit cent grammier : Ni Dieu ni maître !

Hugy : On est pas un groupe de reggae avec des " Jah ".

David : D’ailleurs, je tenais à dire que ce soir on a assister à un très grand concert des Skatalites. On les a déjà vu une dizaine de fois. Là, les mecs ils sont sortis, ils ont vu tous ces jeunes, ils étaient heureux. Vous pouvez pas savoir comme ça leur fait plaisir de voir des jeunes devant, comme ça, qui s’éclatent sur leur musique. De l’instrumental, il faut pas l’oublier ! C’est pas un show. C’est un concert de musiciens. Et quand tu vois ça en France, c’est beau !

Maître Follas : Actuellement, vous accompagnez Laurel Aitken…

David : Oui mais là il a pas pu venir. C’est dommage, il aurait été là ce soir, il aurait kiffé. On va lui dire qu’il a manqué quelque chose. C’est quelqu’un qui a 75 ans, qui fait de la musique depuis 3 fois plus longtemps que nous. On est super content d’avoir joué avec lui et il nous reste quelques dates à faire. Mais justement, 11 dates, 6000 bornes en 15 jours, c’est dur. Pour nous c’est fabuleux.

Rom W : Comment c’est fait cette rencontre avec Laurel ? Comment faire pour jouer avec lui ? Il y a une liste d’attente ?

Bob : Non, il avait entendu parler de nous, il a écouter ce qu’on faisait, ça lui a plu et puis voilà.

David : On avait 4 dates à faire en France avec lui au début. On a fait les 4 et il a dit " Je vous prend pour faire le reste en France ".

Hugy : Autant de dates avec lui, il y a pas beaucoup de groupes en France qui l’ont fait.

David : Il est adorable, mais bon il a 75 ans donc c’est pas évident pour lui.

Bob : Faut dire qu’il tourne beaucoup avec plusieurs orchestres.

David : Il a 3 groupes : 1 en Allemagne, 1 en Grande Bretagne et nous pour la France, la Suisse et l’Espagne… et le Groenland. Et dernièrement, les Skatalites nous ont appelé pour prendre notre guitariste pour remplacer le leur, qui devait rentrer aux USA, sur une semaine.

Bob : Avec Laurel, qui est cubain, on parle espagnol et il se régale de parler espagnol avec nous.

Maître Follas : Vous avez prévu d’enregistrer quelque chose de cette tournée avec Laurel ?

David : Normalement, on tourne 15 jours en octobre en France et Espagne. On va essayer de faire un album live sur cette tournée.

Maître Follas : Et sinon, les autres projets du groupes ?

David : On vient de sortir l’album " Tit’ Jamaïque " donc là on trace la route. On fait la promo, on joue avec Laurel, on fait la première partie des Skatalites, on fait les festivals, les bars au bord de la mer, tout…

Rom W : Comment vous voyez l’avenir du ska d’ici une cinquantaine d’années, sans les groupes jamaïcains de légende d’aujourd’hui ?

David : Pareil que maintenant.

Hugy : C’est intemporel, ça pourra pas mourir.

Bob : La musique c’est comme un langage. Un langage ça meurt pas. Il y aura des mecs qui feront du roots, d’autres qui feront autre chose…

David : Mais quels sont les groupes qui ont eu le plus de business autour d’eux ? C’est Madness, UB 40. Au niveau communication.

Hugy : Tu vois le blues, la soul, c’est des musiques qui ont été mises de côté, remises en avant,… Il y a des mecs qui ont remixé ça avec du hip hop, etc.

David : Comme le punk rock, c’est intemporel. Mais des groupes de ska comme nous…

Alain : C’est une musique qui est évolutive.

Rom W : Mais vous, vous vous situez dans le revival.

David : Moi ma conception des 100 gr, c’est qu’on fait de la musique jamaïcaine. Quelqu’un qui écoutes du ska et qui me dit qu’il peut pas écouter du reggae, c’est quelqu’un qu’à rien compris, mais alors rien du tout. Il y a des groupes de reggae qui peuvent pas écouter du ska, mais j’ai envie de leur dire : Ecoutez la musique ! Ecoutez comment est venue la salsa, la musique afro-cubaine, le ska, le reggae, tout ça c’est pareil ! C’est de la fusion, c’est des gens qui se sont rencontrés, des gens qui venaient d’Afrique, qui ont fait du blues, du jazz, du rock, du blue beat, etc. Ce mouvement il doit pas s’arrêter. Nous on est un des seul groupes à avoir un guitariste qui fait des chorus de jazz manouche sur du ska. Je connais pas d’autres groupes comme ça à part peut être Jim Murple. Quelqu’un qui écoute Django Reinhart, il retrouvera sa touche dans les 100 gr.

Là dessus, nous laissons les 100 gr, en vous conseillant quand même leur dernier album, en surtout, en attendant un éventuel disque avec Laurel Aitken.

 

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