Nous voici de retour au Zanzibar à Strasbourg, le 25 janvier. Si vous lisez le zine dans l’ordre, vous savez de quoi je parle (voir interview d’Hellbats, p. 34). En première partie de soirée: les Voodoo Devils. J’avoue que je ne connaissais pas ce groupe, mais Julien, ayant fait la connaissance du guitariste, se proposait de faire une petite interview. Sans doute emballé par leur prestation en début de soirée (dont je ne me rappelle, pas, j’étais occupé ailleurs à ce moment là), Rom a décidé d’accompagner Julien et de poser quelques questions…malgré son état déjà très... "joyeux".

Rom : Tu pourrais commencer par nous expliquer le nom du groupe ?

Jeff : C’est les Voodoo Devils, diable vaudou en ricain, groupe psychobilly de Sarreguemines.

Julien : Vous êtes des voisins alors ?

Jeff : Si on veut, c’est le pays des schpountz, comme chez vous.

Rom : Tu peux nous faire un petit historique du groupe ?

Jeff : Il existe depuis 2 ans et demi, la formation actuelle date de 8 mois. On en est à notre troisième chanteur. Mais celui-là c’est le bon. En 8 mois, il a déjà fait 13 morceaux, c’est positif, et puis il a ça dans le sang. C’est assez rare de trouver un chanteur pour faire du psycho, c’est assez spécial. Pour faire du punk rock, t’en as dans tous les quartiers.

Julien : Tu fais partie du groupe depuis 2 ans et demi ?

Jeff : Oui, c’est moi qui l’ai formé, avec le contrebassiste.

Julien : C’est les piliers !

Jeff : On s’est rencontré par hasard dans un supermarché, tu te rends compte ? Le mec je l’ai agressé tout de suite parce qu’il avait un Lonsdale. Je me suis dit c’est un faf. J’ai été le chambré alors qu’il fait trois têtes de plus que moi. Le mec, il a rigolé, il m’a dit “ je suis psycho ”. On a parlé de mon vieux passé de psycho, je lui ai dit que j’étais musicien, il m’a dit qu’il était contrebassiste. On s’est dit “ on va faire un bœuf ” et c’est parti. On a recruté un batteur qui jouait dans un groupe de fusion, rien à voir. Il s’est lancé avec nous alors qu’il n'écoute pas de psycho et ça marche super bien.

Rom : Vous arrivez à trouver un arrangement, à vous faire tous plaisirs entre ces musiciens aux influences différentes ?

Jeff : Tout à fait. Moi en dehors de ce groupe, je suis dans un groupe de ska engagé, la Section Molotov. On a des influences punk, hardcore, reggae, ragga, ska à toutes les sauces, ska énervé, ska de combat. J’ai une culture jamaïcaine, j’ai une culture un peu punk, une grosse culture rock’n’roll. Le côté jamaïcain et le côté rock pur fait que dans les Voodoo on se fait des plans skabilly, on fusionne tout plein de chose, on a même un morceau de reggae, dub, avec la contrebasse slapée. On est en train de préparé un CD 6 titres. Il y aura sûrement un morceau caché, un morceau ska, dub. Je prendrai le micro, mais je suis un peu un novice dans la tchach ragga muffin. J’écoute aussi bien du rockab pur que du ragga, dub, du hardcore. C’est assez vaste. Le contrebassiste écoute que du psycho pur et du néo-rockab, garage. Le batteur, c’est plutôt fusion et tout ce qui groove : ragga, hip hop. Le chanteur, c’est un inconditionnel du psychobilly pur, un boche quoi. Le reste, il n'écoute quasiment rien. C’est l’intégriste pur. C’est un clone des Meteors.

Julien : Est-ce que c’est gérable de faire les Voodoo et la Section Molotov ? Comment les 2 groupes arrivent à cohabiter ?

Jeff : Les musiciens des 2 groupes ne se fréquentent pas. Ils n'ont pas de relations. Je ne parle jamais de ce qui se passe dans mon autre groupe. C’est plus personnel. C’est 2 scènes différentes, 2 groupes de personnes différentes. Les mecs de la Section Molotov n’écoutent pas de rock’n’roll pur. Ils ont plutôt une culture metal et reggae. Rien à voir. Moi j’ai une culture entre les 2 trucs et c’est moi qui fait mon lien.

Rom : Quel messages vous voulez faire passer dans votre musique ?

Jeff : Déjà un groupe de psycho n’est pas politisé. Globalement le groupe est juste antifa. Ça s’arrêt là. On ne fera jamais un concerts devant des psych', des boneheads entrain de faire de la provocation fasciste. On ne va pas continuer à jouer là dedans et le batteur et moi on sera les premiers à réagir. Il n’y a pas de compromis là-dessus. La Section Molotov, on est un groupe engagé. Dans le groupe il y a des gens de sensibilité anarchiste, comme le batteur, alors que le chanteur et moi on est carrément marxiste dans le vrai sens du terme. On est indépendant, mais on a notre vision : le communisme c’est l’humanisme. On joue dans tout le circuit punk alternatif, SCALP, CNT, LCR, on ne se pose pas de problème. Avant dans le groupe, il y avait Fouad, la vedette de Metz, à fond CNT. On s’est séparé parce qu’on arrivait plus à se comprendre sur le plan musical. On commençait des morceaux skacore, ska punk violent et des morceaux plus ragga. Fouad n’avait pas la capacité vocale pour développer ça. Il voulait plus faire du ska traditionnel, jamaïcain. On en a un peu. On s’est un peu pris la tête. C’est dur quand ça se passe avec un ami.

Julien : Et avec les Voodoo Devils, vous avez déjà enregistré quelques titres?

Jeff : On a un morceau sur un label allemand, Crazy Love Records, sur une compile psycho rockab. C’est une grosse maison de disque pscyho et tous les ans, ils sortent une compile avec toutes les nouveautés. On a un morceau, instrumental. On a aussi fini l’enregistrement pour un CD 6 titres, actuellement en cours de mixage. Le temps de produire, d’ici 4, 5 mois, ce sera fait. 6 titres + un morceau caché, un délire ska.

Julien : Et au niveau concerts ?

Jeff : On ne fait pas énormément de concerts. 1 tous les 2 mois. On a eu des problèmes avec les chanteurs. Là on en a un nouveau depuis 8 mois, c’est le 4ème concert. Il n’y a pas beaucoup de gens qui nous connaissent. On a joué au début dans la scène punk, grâce à Metz et compagnie. Donc Metz, Nancy, Thionville nous connaissent. Mais, il y a peu d’organisateurs qui ont le courage de nous contacter parce qu’on n'est pas dans le style à la mode en ce moment, plutôt punk rock. Il y a un petit sectarisme là-dessus, peut être pas volontaire, mais il existe.

Julien : Des contacts avec la scène allemande ?

Jeff : Ouais, plutôt. On a plein de plans en Allemagne. Notre chanteur a déjà son propre groupe psycho et il a déjà fait des albums et tout le bordel. Ça fait plus de 15 ans qu’il fait du psycho et il connaît énormément de monde. Du coup on a plein de plans à droite à gauche. Me demande pas le nom des villes…

Julien : Non, c’est imprononçable.

Rom : Comment tu vois l’évolution du mouvement psycho, de la nouvelle vague ?

Jeff : En fait, la nouvelle vaguer psych’ qui se développe actuellement est en train de virer assez bizarrement. Ça se durcit au niveau de la musique et ça devient de plus en plus psycho punk, ou psycho trash, voir hardcore des fois. Ça devient assez agressif, ça se mélange avec la scène garage, punk, heavy rock’n’roll, avec ces publics. On sort des clichés de sectarisme à la Meteors et compagnie. Ça devient plus libre au niveau des compos, c’est influencé par toutes les musiques qu’on aime : metal, hardcore, punk, avec une base rockabilly qui devient minime.

Rom : La scène perdrait son identité ?

Jeff : Ouais, mais ça va revenir. Ça revient toujours. Il y aura toujours des groupes de new rockabilly qui continueront à faire du psycho à l’ancienne. Ce qui est bien c’est qu’il y a de moins en moins de phénomènes psycho récupérés par un public faf. Ça s’atténue énormément à l’étranger. En France, il y a encore trop de blaireaux, mais ça va disparaître. Ça va ressembler tellement à du punk rock avec de la slap que les mecs vont décrocher.

Rom : C’est la sélection naturelle…

Jeff : Voilà, l’épuration naturelle des parasites.

Julien : Un contact pour le groupe ?

Jeff : Romain, de l’association VDK, a un site internet ( http://membres.lycos.fr/lpag ) sur lequel il fait de la pub pour les Voodoo. Il est en train de créer sa maison de production et on sera son premier groupe. C’est un peu lui notre manager.

Julien : C’est bien, il y a plein de projets…

Jeff : Actuellement, ce qui est malheureux, c’est que mon groupe psycho progresse beaucoup plus que la Section Molotov. On a des problèmes internes pour se voir et répéter régulièrement, notre chanteur se retrouve tout seul et doit assumer tout le chant, c’est balaise. On a du mal à bosser de nouveaux morceaux. On est aussi censé enregistrer, mais il faut qu’on progresse encore, pour retrouver le niveau qu’on avait avant, refaire des concerts et économiser un peu d’argent sur nos concerts. C’est dur vu les cachets qu’on nous donne. L’enregistrement ça coûte la peau du cul et on est un groupe de fauchés.

Rom : Génial le mot de la fin : “ on est un groupe de fauchés ! ”.

Jeff : Ouais on est des punks jamaïcains.

Julien : Merci, à bientôt.

 

Le premier album des Voodoo Devils "Hellish Noise" sort en janvier 2005 en France chez  Nova Express / VDK prod.

 

 

Le deuxième album est en cours d'enregistrement (février 2006).